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The killer inside me

Littérature noire

Frontignan, son four, son muscat, Kent Anderson et les hommes-ananas

Une palanquée d'auteurs triés sur le volet, des écrivains rares, ou rarement ainsi à la même table, le 22e Festival International du Roman Noir, ou FIRN, a une nouvelle fois (la dernière ?) concoctée une affiche monstrueuse. Dans ce petit bout de l'Hérault se presse tout le joli monde du polar, Boris Quercia, Valerio Varesi, Hervé Le Corre, Jake Hinkson, Frédéric Paulin, Tim Willocks, Franck Bouysse, Marc Villard et bien sûr Kent Anderson, invité d'honneur impeccable dans ses santiags rouille, suivi de près par son éditeur Robert Peypin. L'auteur américain donne d'ailleurs une très belle conférence dès le vendredi, dans un musée qui raconte autant l'histoire des salins locaux que la tradition des joutes ! Pas de quoi distraire l'auteur de Sympathy fot the devil : " quand je suis arrivé au VietNam j'ai assez vite compris, admis, que j'allais y rester. Je me suis dit OK. Le seul truc c'est que je ne voulais pas que ce soit trop douloureux ou trop long à venir." Evidemment, et c'était presque moins drôle du coup, le festival se déroule pendant une canicule niveau 4 dans la région. Une partie des interventions étaient d'ailleurs annulées le premier jour. Marrant de voir tous ces gens de la capitale souffrir autant, suant, s'éventant. Mais gardant le sourire puisqu'ils avaient le maillot et la serviette pour la plage ! Dans l'attente de pouvoir se baigner le soir. Avant cette débauche balnéaire, brin de causette avec Hervé Le Corre qui confie qu'il a tout de même enquillé pas moins de 26 rencontres depuis la sortie de Dans l'ombre du brasier, soit quasiment tous les week-end dehors. Une vraie vie de rock star ! " C'est vrai que parfois je me réveillais la nuit dans un hôtel et je me demandais où j'étais ! Surtout, c'était gênant de me replonger aussi fort dans un roman alors que je commence à travailler sur le prochain. Ce n'est pas l'idéal. Mais bon, maintenant, Frontignan c'est le dernier rendez-vous." Tandis que Caroline Sury, grande illustratrice, dessinatrice BD et auteure de l'affiche du FIRN, s'assoit à la grande table du banquet sur le sable, Frédéric Paulin, clope au bec revient sur sa trilogie chez Agullo : "il y a un truc pas simple tu vois. C'est qu'il y a autant de gens qui me disent que le premier tome (La guerre est une ruse) est meilleur que le deuxième et inversement. Je ne vais pas dire que ça met la pression mais c'est un peu déstabilisant. Ceci dit ça ne change rien, le troisième est commencé depuis bien longtemps. Et puis mon éditrice me relit avec soin, ça c'est important. Parce qu'avec ma copine, on fait une lecture à haute voix pour voir comment ça sonne. Mais chez Agullo, il sont attentifs à tout, à ce qui fonctionne ou pas..." En parlant de son éditeur, le directeur commercial, Sébastien Wespiser apparaît, un peu dépité par la défaite des Françaises à la Coupe du Monde (homme sensible) et puis après deux verres de vin blanc, retrouve son panache, son lyrisme : "Frontignan c'est chouette comme festival. Mais je pense qu'il y a un peu trop de festivals du polar en France. Enfin disons que tu arrives des fois dans des manifestations y a pas une affiche, pas un flyer, nulle part, rien. Forcément, du coup, y a pas grand monde aux rencontres. C'est n'importe quoi !" Nous on sait pas, on vit loin... La première soirée du vendredi s'étire, il fait toujours plus de 30 degrés et c'est le bon moment, au comptoir, pour parler surf avec Yan Lespoux : "chez moi, dans le Médoc, tu penses partir tôt le matin avec ta planche, seul, peinard. Et puis tu as un surf camp sur la plage rempli de Hollandais. Et un autre un peu plus loin. Et encore un autre. Et quand tu te mets à l'eau, les mecs te regardent de travers. Chez moi ? Dans la région où je suis né, où j'ai grandi ! C'est quoi ce bordel ? Enfin chez moi. Aujourd'hui je sais que je ne peux me payer une maison dans ma région d'origine. C'est mon rêve de revenir vivre dans le Médoc mais les prix ont flamber, c'est impossible..." Polar et pression touristique, flambée de l'immobilier. Cela rappelle un peu Mark Haskell Smith. Et la Corse. "Je ne suis jamais allé en Corse, confie Valerio Varesi. Mais le frère de mon grand-père y est allée après la guerre. Il y a encore des Varesi en Corse ? " Puis une dame se tourne et demande "j'ai chroniqué votre livre... vous êtes bien Olivier Martinelli ?..." Après quelques bouteilles de muscat sec on peut être n'importe qui. Mais encore faut il savoir qui...
Lendemain rebelote, avec toujours Kent Anderson à l'anecdote : "une fois au mess au VietNam, y a ce copain, Quinn, qui me glisse le canon d'un 44 dans le dos pour s'amuser. Les copains l'attrapent, il tire dans le plafond, fait un trou. J'étais en colère. Mais il était vachement costaud. Je suis sorti j'ai enfilé des gants, ceux qui nous servaient à installer les barbelés. Quand Quinn est sorti, je lui ai pété la gueule." Rock'n'roll quoi. Frontignan ressemble toujours à un four à pizza. Quasi impossible de boire une goutte d'alcool sans friser l'ivresse immédiate.
Sur les stands (oui, il y a des gens qui sont là pour vendre bon sang ! On n'est pas dans le business de la charité non plus), il y a de superbes affiches d'illustration de La foire aux serpents, Tribulations d'un précaire, Dernier verre avant la guerre... C'est L'arbre à bouteilles qui fait ça et c'est juste superbe. Sinon en fouillant entre les piles, y a d'étranges bouquins, dont un manga un peu cul avec comme personnage "l'homme-bite"... Et puis il y a une bassine d'eau où les bénévoles trempent leurs pieds cuits au thermostat 260. Boris Quercia parle de son adaptation de La légende de Santiago :"je tourne avec des aides de l'Etat. Donc on m'a demandé d'enlever un peu de drogue, un peu de violence... Au Chili on essaye d'avoir une production nationale pour contrer un peu l'invasion Netflix, HBO. Et ce n'est vraiment pas simple." Le soir, comme on dit, c'est moins pire en bord de mer. Frank Bouysse est de la partie. Il pense à retrouver enfin sa campagne, "c'est le moment de tuer les poulets. Et puis de faire du bois, j'ai du châtaigner à fendre..." Au repas, son éditeur, l'inénarrable Pierre Fourniaud, lâche devant son assiette : "c'est du lévrier ?" Le muscat sec aide à la socialisation, indéniablement. Bien plus que le karaoké assourdissant, animé par des mecs déguisés en ananas (si, si). Il faut passer à des libations plus sérieuses. Olivia Castillon, professionnelle en diable, s'hydrate au VPP (V pour vodka, le reste...). Il y a aussi de la Tequila Sunrise. Mais sans grenadine. Quelques bloggeurs, levant le secret professionnel, dévoile les étranges messages qu'ils reçoivent parfois. Et il y a des personnes plus tordues encore que les "vrais" auteurs. Tout cela dans un joyeux brouhaha. Ponctué de saillies pro-séguinistes, de bières tièdes aussitôt servies, de débats sur la taille des chaussettes en été, de moules cuites au feu de bois. Et de muscat sec, aussi, encore. Il est un peu question de littérature noire. Certaines ont aussi fait leur coming out ce week-end : "la variété française a quand même de belles paroles... "(le nom en MP bien sûr) Heureusement, Yan Lespoux revient sur le punk californien, les mille projets de Fat Mike et le désespoir de voir NOFX s'enliser dans une caricature. Pierre Fourniaud, toujours, confie qu'il a, avec l'aide de l'assemblée, trouvé peut-être un titre pour son doc sur la petite disparue de l'A10 : "c'est quand qu'on arrive !". A une heure du matin, tout le monde trouve ça fort malin...
Vient le dimanche et son lot de cachets de citrate de bétaine à la menthe, "c'est carrément meilleur qu'au citron..." Le thème du FIRN cette année était sur les addictions faut dire. A 11h30 sur le quai de la gare, on papote avec Robert Pepin en plein cagnard :"je rejoins Montélimar. J'y ai laissé ma voiture. Mais je n'ai pas la clim'..." Jim Storm, l'auteur déjà mythique, lui, est en plein soleil, mais ne transpire pas. Il ne parle pas non plus. Il médite. Cool.
C'est l'heure des au-revoir. Navette vers les trains. Muriel Poletti-Arles est persuadée d'aller plus rapidement à Paris si elle part de Sète. Personne ne la contrarie. Finalement elle est bien sur le quai 2 de Frontignan...
Un très bon festival, pas l'usine, ambiance tranquille, choix pertinent sur les auteurs venus de toute la planète, organisation aux petits oignons, chauffeurs adorables... il manquait quoi ? Rien.
(sous peu, ici-même, quelques entretiens glanés sur un bout de comptoir, un morceau de table...)

 

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