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The killer inside me

Littérature noire

Hammerhead Ranch Motel : 5 millions, un ouragan, un chien et Led Zep

Un sosie de Don Johnson qui anime des soirées ringardes, un chien qui fait la météo à la télé, des filles canons qui découvrent la marijuana avant de copuler frénétiquement, un beau gosse baptisé Johnny Vegas encore puceau, un trafic de fausses pierres de lune, un cyclone énorme et puis cinq millions de dollars dans une mallette, avec Serge A Storm à sa recherche.
Coton de synthétiser l'intrigue d'Hammerhead Ranch Motel, deuxième roman de Tim Dorsey (troisième dans l'ordre qu'il avait prévu). Encore une fois, l'auteur présente une idée forte, cette fameuse mallette, et s'amuse tout autour, régale son lecteur de sa folie furieuse à imbriquer les histoires et les personnages les plus improbables. Les romans de Dorsey fonctionnent un peu comme des split screen, comme le fameux générique de l'affaire Thomas Crown, on suit différents protagonistes qui, un jour ou l'autre, vont se rencontrer. Notamment dans ce motel tirant son nom de l'idée saugrenue de l'ancien propriétaire subjugué par les voitures enterrées dans le désert à Amarillo, Texas, et décidant de faire de même dans son établissement... avec des têtes de requins-marteaux... Et c'est donc aussi efficace que mortellement drôle. Tim Dorsey ne s'embarrasse pas à créer une tension dramatique, non, il veut d'abord écouler son délire stupéfiant, multipliant les situations folles, les dialogues dignes d'un pavillon psychiatrique. On relève, entre mille choses, cette intrusion de Serge et son nouvel acolyte Lenny (l'imparfait sosie de Sonny Crockett donc) dans une cérémonie évangélique : "le prédicateur leva le bras vers la foule et hurla dans son micro : - Il est tombé sous l'emprise de la plante maléfique ! Le tabac ! - Euh, non, révérend, moi je fume de l'herbe. - Il est esclave de la plate démoniaque. ! La ma-ri-jua-na ! - Oh, démoniaque, démoniaque...faut pas dramatiser. - La drogue retient cet homme dans ses griffes ! Il est venu ici pour s'affranchir de ce fléau ! - En fait euh... j'aimerai juste réduire un peu, reprit Lenny en se tapotant le ventre. Je commence à prendre du bide parce que l'herbe ça donne les crocs.
Le prédicateur fronça les sourcils et considéra un instant Lenny avant de s'en retourner sur la scène pour haranguer la salle entière.
- Croyez-vous au Dieu unique et à son pouvoir ?
- Oui ! répondit la salle.
- Renoncez-vous à Satan, à ses pompes et à ses oeuvres ?
- Oui ! répondit à nouveau la salle.
- Oui ! répondit Serge mais pas au quatrième album de Led Zeppelin.
Le prédicateur foudroya Serge du regard.
- C'est un classique dit Serge en haussant les épaules.
"
Bien sûr que Hammerhead Ranch Motel passe les habitants de Floride, et de Tampa particulièrement, au karchër, débusquant tous leurs travers racistes, égoïstes, affairistes, et cette stupidité finalement assez universelle. Bétonisation, tourisme de masse, politique insensée, les ressorts ne manquent pas et Tim Dorsey ridiculise tout son petit monde. Exceptés Serge et ses amis, schizophrènes lumineux dans cet univers pourri. De dangereux voyous qui semblent presque inoffensifs dans un tel contexte.
Délirant, ce deuxième opus place la barre très haut en terme de narration, le lecteur peut se croire perdu mais tout comme dans le cerveau de Serge, il y a une issue, pas simple à trouver, tordue, mais elle existe; Et avant d'y parvenir, il y aura de l'aventure. Parce que ce roman ne s'arrête jamais, à l'image de ses personnages sautant d'une Chrysler à une Alfa Romeo, une Jeep. Merveilleux.

Hammerhead Ranch Motel (trad. Jean Pêcheux), ed. Rivages, 394 pages, 9 euros
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