Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Les grandes blondes : forcément fortiche Echenoz

La lecture de Jean Echenoz est assez intimidante. Surtout quand on défriche son oeuvre. Pas que le monsieur étale le savoir-faire que l'on imagine, l'érudition que l'on distingue. Non, c'est bien plus fin que cela. Jean Echenoz prend du plaisir, et sans doute son pied, à jouer avec le fond comme avec la forme. Dans Les grandes blondes (1995), se présente ainsi une fausse histoire de chasse, non pas à l'homme, mais à la femme. Une ancienne chanteuse au succès énorme mais éphémère qu'un producteur de télévision voudrait interroger pour une série documentaire sur les blondes dans le monde du spectacle. Sauf que la dame en question, après des déboires judiciaires, a choisi de vivre retirée en Bretagne et ne souhaite surtout pas revenir aux mondanités. Affublée d'un homoncule façon Jiminy Criquet, elle se révèle violente et aventureuse, partant pour les terres australes, l'Inde, au coeur de trafics insoupçonnables. Un soupçon James Bond (le Martini-Gin), un zeste Lara Croft. C'est donc presque un polar, presque un roman sur les femmes célèbres, une histoire d'aventures forcément et surtout une parodie.
Côté style, pour le lecteur c'est le vrai shoot. Jean Echenoz jongle, dribble, coup du sombrero et petit pont dans la même page. Il y a quelque chose de diabolique mais également de très drôle dans sa façon d'aborder la narration ou la description de scènes toutes banales. Dans des envolées, il jette un vocabulaire impossible mais sans prétention autre que de jouer avec le lecteur :  " son toit terrasse était coiffé d'un clocheton dodécagonal, surmonté d'une urne infundibuliforme ". Clins d'oeil, complicité, Echenoz s'adresse directement à celui ou celle qui tient le livre : " vu les quelques avions que nous avons déjà pris, que peut-être nous prendrons encore, inutile de décrire celui dans lequel ils montèrent le lendemain. Il ne présente d'ailleurs nul signe particulier. " Parfois, c'est de la provocation au détour d'une phrase : " Gloire se sentait plus disponible après le diner pour boire un verre, et puis un autre verre et puis un dernier verre avec Lagrange e de fil en aiguille le sperme de Lagrange, mais elle regagna son hôtel assez tôt..."
Faussement léger, fourmillant d'idées, de réparties et de saillies, Les grandes blondes a quelque chose de génial sans vouloir l'être, avec des personnages irrésistibles comme ce Personnetaz (ah les patronymes chez Echenoz...) enquêteur pugnace mais intimidé par les femmes, cette Donatienne, en secrétaire volcanique et puis Gloire, la blonde voyageuse. On notera jusqu'à l'humour de la couverture de cette édition.

Les grandes blondes, ed. de Minuit, collection double, 251 pages, 8, 50 euros
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article