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The killer inside me

Littérature noire

Frères de Brooklyn : un bon coup de batte dans la gueule

Le base ball, franchement, ça a l'air bien pénible comme sport. Sauf si on est Américains bien sûr. Ou Indiens. Ou Cubains. Et puis le base ball en littérature et même au cinéma, attention les errements, les impasses. Frères de Brooklyn, de Jason Starr (paru en 2007 aux éditions du Rocher, en 2009 chez Rivages) parle pendant les cinquante premières pages de balles rapides, de base sur balles, de marbre, de retrait, de strike out... oui, on s'y perd un peu, surtout quand on est plutôt culture tacle, hors-jeu voire placage et contre-ruck. Mais finalement, l'auteur esquive assez vite toute la partie technique du sport pour n'en garder que le symbole. A Brooklyn, dans le quartier de Canarsie, Jake Thomas est la star du base ball, joueur des Pirates de Pittsburgh en Ligue Majeure. Et il revient ce week-end, tartiné de gloire, dans son quartier. A l'inverse Ryan Rossetti est passé à côté d'une carrière : un manque de physique d'abord et puis un coude en charpie. Il est devenu peintre en bâtiment. Alors quand Jake Thomas débarque et que tout Canarsie lui fait la fête, même s'il a joué avec lui depuis le collège, Ryan l'a mauvaise. Et avant tout parce qu'il sort avec la fiancée de Jake, Christina. Lassée d'être abandonnée par le beau gosse pro du base ball, elle s'est tournée vers Ryan, attentionnée, amoureux. Elle s'apprête d'ailleurs à annoncer à Jake que leur liaison est terminée. Mais celui-ci a besoin d'elle parce qu'une vilaine affaire de détournement de mineur risque de lui tomber dessus. Il veut allumer un contre feu en annonçant à la presse un mariage avec son amour de jeunesse. Avant qu'elle ne dise le moindre mot, il lui annonce, conscient de son propre mensonge, que ce mariage serait l'occasion de sortir son père, veuf inconsolable, de sa misère. Christina s'apprête à accepter. Ryan l'apprend et devient littéralement fou. Il se cogne une rafale de rhum coca et tombe sur deux loubards qui veulent le dépouiller dans un bar. Ivre, il leur conseille d'aller voir Jake Thomas...
C'est ce que l'on appelle une narration imparable. Jason Starr fait tenir en un gros week-end une cascade d'événements plus ou moins intimes, une rupture, l'assassinat d'un caïd des Crisps, une crise de nerf, une fête familiale, une attaque en justice.  Et il y a ainsi une sorte d'effet dominos, d'engrenage fatal vraiment jubilatoire pour le lecteur. L'auteur insiste, avec beaucoup de réalisme, sur l'égocentrisme des deux protagonistes. Enfin surtout celui de Jake Thomas, toujours occupé à choisir entre une chemise Versace ou Prada, à calculer son image. Pour Ryan, plus que de l'égocentrisme c'est finalement une frustration toxique et un désir de revanche. Et si Christina paraît un instant une fille intéressée, elle est, au final, le personnage le plus sain de ces Frères de Brooklyn où aucun homme ne semble digne d'un quelconque intérêt. Même le quartier n'échappe pas à la plume violente de Jason Starr : " Canarsie avait été bâti sur un site d'enfouissement de déchets, et c'était exactement la vision qu'il en avait : un gros tas d'ordures.  A chaque visite, c'était pire : l'endroit était infesté par les gangs et la drogue. " Bien loin des ambiances de William Boyle.

Frères de Brooklyn (Lights out, trad. Marie Ollivier-Caudray), ed. Rivages, 447 pages, 10, 20 euros
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