Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

La sagesse de l'idiot : prenez pas Toni pour un con

Il faut saluer l'arrivée d'un nouvel auteur à La Série Noire. Surtout quand il est bon. Surtout quand il vient par-delà les Pyrénées, le polar espagnol se révélant assez peu représenté chez nos libraires. A 42 ans, Marto Pariente publie donc son premier roman dans l'hexagone et si la suite de La sagesse de l'idiot est du même tonneau, les lecteurs vont vite se faire des fixes de ce polar sauce poussière, village oublié et truands débiles.
Son personnage de Toni Trinidad, unique flic municipal du village d'Ascuas est un bijou d'inventivité. Entre deux âges, il est un fonctionnaire discret, reconnait lui-même qu'il n'est pas très fûté et perd connaissance dès qu'il voit une seule goutte de sang. Toni a quelques circonstances atténuantes : orphelin très jeune avec sa soeur Vega, tous deux ont été placés dans une institution qui a laissé des traces, autant physiques que psychologiques. Et si les deux s'en sont finalement pas trop mal tirés, c'est grâce à des parents adoptifs. Le père faisant notamment embaucher Toni à la mairie et les parents laissant la maison au même Toni à leur mort. Voilà pour le portrait de Toni. Qui ne serait pas complet si l'on ajoutait pas un amour protecteur immense pour sa petite soeur, elle, pas sortie des ronces avec un mari violent disparu et une tendance à l'alcoolisme pas mondain.
Dans son quotidien presque bien ordonné, un jour tout va partir en cacahuètes : le vieux Triste, passablement sonné, qui parlait à des poissons morts glissés dans sa poche, est retrouvé pendu; Vega a tenté de voler une cargaison de came; un caïd de la drogue, vieillissant, réclame que Toni paye la dette.
Pour Marto Pariente, il y a peu à espérer des humains qui peuplent l'univers de Toni. A part Toni et sa soeur bien entendu. Sinon, l'adjoint au maire chargé de la sécurité est un petit chef comme on en voit tant en sous préfecture. Le flic, Rocha s'enferre dans une opération qui va se transformer en humiliation. Le directeur de l'agence bancaire apparaît évidemment comme un sombre salopard, quant au promoteur immobilier, c'est Toni, avec une intelligence de ravi, qui parvient à le ridiculiser. Reste les nombreux "méchants". On a un caïd vieillissant mais toujours cruel, se gavant de pattes de poulet, coinçant les mains de ses employés dans des tiroirs. Il y a aussi deux frères, vrais débiles profonds, appelés les McEnroe pour leur jeu de batte de base ball qui rappelle les passing shot du tennisman américain, par ailleurs tous deux fans du groupe Mecano ! Sans oublier un Sicario fan de Jesus, voisin de deux soeurs qui passent leur temps à poil.
La sagesse de l'idiot est bien déjanté, c'est drôle mais ça parle aussi du très beau monde du BTP, des agriculteurs qui touchent des subventions pour planter des légumes et céréales mais oublient ostensiblement de les récolter... bref ce polar est super malin, avec sa dose d'originalité et, avant tout, son efficacité.

La sagesse de l'idiot (La cordura del idiota, trad. Sébastien Rutès), ed. La Série Noire, 323 pages, 20 euros
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article