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The killer inside me

Littérature noire

Il s'appelait Doll : hommage hardboiled sous amphets

Depuis onze ans et Tu n'as jamais vraiment été là, les lecteurs attendent le nouvel opus de Jonathan Ames. Un peu comme les fans du groupe Tool après 10 000 days : on ne pouvait pas se quitter après une telle master class. Certes l'auteur avait donné quelques pistes, quelques explications, à travers un roman graphique qui dévoilait ses gros problèmes de boissons, à travers également son job de scénariste pour le petit écran. Bref, il est de retour en cet hiver 2024 avec Il s'appelait Doll, clin d'oeil enthousiaste, finaud et même délirant à la fois au roman hardboiled et au cinéma.
Happy Doll à la cinquantaine, il a servi une dizaine d'années au LAPD avant de s'installer comme privé à Los Angeles. Un temps, il a eu comme clientèle essentielle des personnes âgées en proie à des escrocs. Mais la source s'est tarie et le voilà forcé d'arrondir ses fins de mois en faisant de la sécurité dans un salon de massage thaïlandais. L'homme est philosophe et soigne sa déveine avec quelques joints, un verre de rhum en compagnie de la belle serveuse Monica mais, avant tout, grâce à George, " moitié chihuahua et moitié je  ne sais pas quoi terrier ". La vie s'écoule ainsi quand Lou Shelton, vieux partenaire du LAPD lui ayant un jour évité une balle, débarque et lui demande un énorme service : il a besoin de son rein pour une transplantation. Pas le temps d'accepter que Lou revient la nuit suivante chez lui, en sang, une balle dans le ventre et lui cède un énorme diamant avant de casser sa pipe. Tout s'enchaîne : un homme à casquette de Dodgers menace Doll. Doll se rend dans une maison vide de tout sauf d'un cadavre. Puis il prend en chasse un agent immobilier. Se fait démonter la tête...
Il s'appelait Doll est une friandise, un bonbon de roman noir dans lequel Jonathan Ames s'amuse et rend hommage aux grandes heures de cette littérature (on pense autant à Ross McDonald qu'à Donald Westlake). Happy Doll d'abord est une fausse caricature du privé. Le malheureux se fait dès le début du roman arraché le visage au couteau et se trimballe ainsi pendant deux cent pages avec un bout de joue purulent, un énorme pansement. Moyen sexy. Et puis Happy n'est pas un coureur de jupons. Il a eu cette aventure avec Monica il y a quatre ans, la dernière de sa pas si folle vie sexuelle. Comme circonstance atténuante, Happy est venue au monde quand sa mère, elle, poussait son dernier soupir. Cela plus quelques noeuds au cerveau explique qu'il consulte depuis quelques années une psy. Doll n'est donc pas un cliché, plutôt un hommage travaillé et Ames, qui dit souvent mettre beaucoup de lui dans ses romans, aura du mal à faire croire qu'il n'aime pas les chiens ! George, sa façon de se tenir en voiture, de faire ses besoins, de s'endormir avec son maître, devient quasiment un personnage secondaire.
Rythmé aux amphets, Il s'appelait Doll avance aussi comme un clin d'oeil au 7e art déjà dans sa construction avec des chapitres courts, très extérieur nuit, intérieur jour, toujours en mouvement. Mais aussi parce que cela se passe entre Hollywood, Malibu, dans des grandes villas à flanc de collines avec, enfin, ce personnage presque invisible de vieil acteur en chaise roulante croisé dans un hall d'immeuble et qui ressurgit au bout du roman. Happy Doll pourrait ainsi être Cary Grant dans un Hitchcock dément.
Très drôle, riche en castagnes, un brin déjanté dans son intrigue, Il s'appelait Doll, finalement, valait bien quelques années d'attente. A noter qu'un autre roman, toujours avec Happy Doll, est déjà sorti aux Etats-Unis.

Il s'appelait Doll ( A man named Doll, trad. Lazare Bitoun), ed. Joëlle Losfeld, 22 pages, 23 euros
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