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The killer inside me

Littérature noire

Colère : il fait froid, ça pue, ça flingue. Vive la Slovaquie !

Des filles qui payent leurs études en travaillant dans les bars de nuit. Une mafia gitane qui rackette et tabasse à tout va. Un gang albanais prêt à prendre la place. Des flics main dans la main avec la pègre. Des hommes d'affaires devenus ministres qui obtiennent 5 étoiles au TripAdvisor de la corruption. Bienvenue à Kosice, charmante bourgade de l'est slovaque, à un jet de grenade de l'Ukraine, la Hongrie et la Pologne.
Avec Colère, troisième roman après Il était une fois dans l'est et Le bal des porcs, Arpad Soltèsz n'a toujours pas intégré les éléments de langage de l'office de tourisme local. Tout est gris, sale, pluvieux, froid. On boit du " Brandy des Carpates " ! Imaginez si ça doit être savoureux. Le café est globalement une infection quant à la pizza du coin " il a dû en voir une sur une image,, peut-être une photo en noir et blanc dans un journal à faible définition. Pour le moment, il n'arrive vraiment pas à l'imiter, même visuellement. Et pour ce qui est du goût,  ça ne rappelle en rien la cuisine italienne. Ni même une cuisine humaine. "
Mais on ne lit pas cet auteur pour la gastronomie, plutôt pour sa capacité à nous parler d'un monde dans l'ombre de l'Europe, une société pauvre et ultra-violente, une société corrompue et au bord du gouffre. Dans son premier roman, Le bal des porcs, il était question de l'enlèvement et du trafic de femmes, dans le deuxième, Il était une fois dans l'est, des liens de la pègre avec le monde politique. Et ce dernier thème est au coeur de Colère, tout comme Arpad Solstèsz aborde le sujet des apparatchiks de son pays, ceux qui se sont vus octroyer de belles entreprises, usines, après la chute du communisme, sociétés qu'ils se sont empresser de vider, de piller.
Mais Colère démarre plus prosaïquement sur le meurtre d'un policier à coups de pieds dans un bar de nuit. Les coupables : le gang gitan de Bandi. La victime : Moly, jeune flic de la division du crime organisé. Le hic c'est que son binôme, Miki Miko est le plus enragé des Bleus du coin. Patiemment, il va mettre en route une mécanique pour faire tomber, directement ou indirectement, chacun de ceux qui ont tué Moly. Dans cette quête sanglante, il va être rejoint par Le barge, autre jeune policier décidé. Et par Schlesinger, journaliste casse-cou.
Il y a deux choses fortement appréciables chez Soltèsz : il ne prend pas de gants, se fout de la poésie et raconte la violence crasseuse telle qu'il l'a connue. Deuxièmement, il se défait des codes occidentaux du polar pour offrir une narration parfois broussailleuse, souvent dingue, et toujours claquante. Colère est ainsi partagé entre différents chapitres consacrés à la victime, au bourreau, à Miki, au journaliste mais suit chronologiquement l'intrigue. Surtout, l'auteur ne se prive pas de faire entrer dans ces 448 pages, tous les seconds rôles possibles avec des noms, des surnoms. Le lecteur hésite parfois mais peu importe, Colère avance à coups de calibre et de voitures piégées. Et les salopards tombent comme des mouches. Parce que dans cet univers glauque, les méchants mordent la poussière, tentent de rendre les coups. Très clairement, dans le monde slovaque du début des années 2000, il y a peu de chance d'obtenir justice en passant par les prétoires. Donc il convient d'utiliser des méthodes moins orthodoxes et Miki Miko est doué pour cela.
Sans prétendre qu'il renouvelle le genre, Arpad Soltèsz offre des fictions à la limite de l'émission Strip Tease, une sorte de réalisme, parfois teinté d'humour mais avec une franchise totale. Cette littérature qui sent le chou bouilli, la clope de contrebande et les chiottes de bordel est une bénédiction.

Colère (Hnev, trad. Barbora Faure), ed. Agullo, 448 pages, 22, 50 euros
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