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The killer inside me

Littérature noire

Joli mois de mai... ou presque, dans Glasgow sous la pluie

Le sous-salicylate de bismuth a une action anti inflammatoire reconnue. Et c'est le principe premier du Pepto-Bismol, ce sirop que Harry McCoy tête désormais à longueur de journée pour soigner son ulcère. A 32 ans, si c'est pas malheureux. D'un autre côté, Glasgow en 1974 a de quoi vous donner des aigreurs. En ce mois de mai, voilà cinq victimes, dont deux enfants, dans l'incendie criminel d'un salon de coiffure. Ajoutez un vieux pervers qui rencontre le bitume après une chute de quatre étages. Et une jeune fille étranglée dans un parc. C'est du boulot pour notre flic écossais préféré. Mais le pire, c'est sans doute qu'il vient de croiser son père à la sortie d'un refuge de SDF. Le paternel, perdu, sans dents, fait la manche et McCoy lui glisse une pièce sans qu'il le reconnaisse... On comprend mieux le Pepto-Bismol.
Le défi du héros récurrent, ou anti-héros, c'est bien de se renouveler, sans être totalement différent, sans perdre la fan base comme on dit. On pense bien sûr au Milo de Crumley. Ou au Bernie Gunther de Philip Kerr. Il y en a d'autres et vient alors à l'esprit, le duo Harpur & Iles de Bill James : pas forcément parce que c'est britannique. Ou alors si : présence de la pègre, humour local, quotidien des commissariats et récit au ras des pubs et des trottoirs.
Ce qui est différent des précédents tomes McCoy avec Joli mois de mai (McIlvanney prize 2022) ? Notre policier ulcéré ne se fait pas refaire le portrait ! Il n'a pas de petites copines dans les parages. Deux caïds s'affrontent pour un bout miséreux de Glasgow. Et donc, ce père qui refait surface...
Où retrouve-t-on nos repères ? La présence de ce dingue de Stevie Cooper. Encore un membre de l'église pas très net. L'enquête qui se fait toujours dans les boxes et au comptoir d'une poignée de pubs.
Alan Parks sait faire vivre son personnage en racontant, justement, la vie. Oui l'intrigue est forte, il s'agit de savoir qui a incendié ce salon de coiffure ? Et pourquoi ? Mais derrière, le fameux background est fantastique avec une flopée de personnages, masculins et féminins, tous attachants ou repoussant dès que l'on s'approche des clans de caïds. Et quand Parks parle de Glasgow, ça claque : " à l'intérieur, l'ambiance n'était guère différente de celle du Model. Même brochette de vieux bonshommes répartis sur des fauteuils et un canapé défoncé. La seule vraie différence c'est que ceux-là buvaient. Et comme des professionnels. Sans bavarder, sans regarder la télé. Ils buvaient, c'est tout. "
Il ne faut pas minimiser cette série, elle a tout d'une grande voire très grande série sur la violence de ces années 70 que l'on regarde souvent avec l'air béat de ceux qui ne pensent qu'à la musique, la libération des moeurs. Oui, il y a toujours du Tom Jones et les Stones dans ces pages mais le contraste est profond avec le décor de chômage, d'alcoolisme de Glasgow. Parks fait oeuvre de mémoire et rétabli ainsi un morceau de vérité sur ces 70's. La série Harry McCoy fait partie des grandes réjouissances de la littérature noire ces dernières années.

Joli mois de mai (May God forgive, trad. Olivier Deparis), ed. Rivages, 428 pages, 23 euros
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