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The killer inside me

Littérature noire

Le monde à l'endroit : Ron Rash signe un roman initiatique fait de truites sauvages et de fantômes

Le monde à l'endroit : Ron Rash signe un roman initiatique fait de truites sauvages et de fantômes

Troisième roman de Ron Rash, Le monde à l'endroit impose l'auteur comme l'écrivain des Appalaches, fidèle à cette tradition du nature writing, chère à Jim Harrison, que l'on trouve aussi, en ce moment, chez Craig Johnson ou John Gierach. Cette fois, Ron Rash nous dit que non seulement l'homme est façonné par la nature qui l'a vu naître et grandir (ici les montagnes de Caroline du Nord) mais également par le passé qui peut ressurgir à tout instant. Presque classique. Son personnage principal, Travis Shelton, 17 ans est une caricature de rebelle à l'autorité paternelle, un white anglo saxon protestant de base. Sauf que le destin va en faire un personnage lumineux.

Le monde à l'endroit demeure un roman noir tout du long. Parce que le jeune Travis va d'abord se frotter douloureusement au père Toomey à qui il vient de voler plusieurs pieds de cannabis. Parce qu'ensuite, Travis, frappé par un père violent, va trouver refuge chez Léonard, ancien professeur, brisé par l'existence et désormais dealer ! Refuge qui abrite aussi Dena, jeune fille toxico qui a grandi trop vite. Enfin, le quotidien de Travis est celui d'un jeune, dans une ville perdue des Etats-Unis : bière, dope, drague et boulot à la supérette du coin. Pas la joie hein ?!

Pas que Travis ait un mauvais fond. Bien au contraire, il sait cueillir le tabac sur l'exploitation de son père, il sait aussi pêcher les truites mouchetées comme personne. En ce sens, c'est un vrai petit gars de Caroline du Nord, façonné par son environnement. Sa rencontre avec Léonard et Lori, sa petite amie symbole de virginité, va changer la donne, sa vie. Et lui ouvrir les chemins de mémoire d'une vieille tragédie locale presque tue : le massacre de Laurel Shelton, où ses ancêtres, en 1863, furent massacrés par des confédérés. C'est le poids de cette tuerie, de ces fantômes, qui s'abat sur les protagonistes du roman. Le poids et l'héritage aussi.

Dans un paysage somptueux, sauvage, Ron Rash, contemplatif, démontre que la fureur des hommes reste dévastatrice, mortifère. Pendant la Guerre de Sécession comme aujourd'hui. Le monde à l'endroitest aussi riche en chlorophylle qu'il est fort en testostérone, un roman initiatique dur, tragique, qui confirme le talent extravagant de cet auteur.

Le monde à l'endroit, édition Seuil, 281 pages, 19, 50 euros.
 
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