Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Les jaloux : splendeurs du Houston de 52 par JL Burke

Merde. Merde. James Lee Burke a remis l'église au milieu du village. A 86 ans, le créateur de Dave Robicheaux est encore capable de nous épater, de nous surprendre, de nous régaler et cette fois, pas avec une aventure de Belle Mèche. Non, c'est la suite de la famille Holland, initiée en 1982 avec le sublime Texas forever. Parce qu'il ne faut pas oublier que dans la vie de Burke il n'y a pas eu que le bayou Teche et les gombos de crevettes en Lousiane. Le Lone Star state, c'est là qu'il a vu le jour. Et avec Les jaloux, il retrace en quelque sorte une partie de sa jeunesse. Aaron Holland Broussard a 17 ans et un coeur comme ça. Il est au lycée technologique et travaille le reste du temps à la station-service. Avec un père aimant mais qui biberonne un peu la bouteille et une mère passablement dépressive, il essaye de trouver son équilibre malgré des pertes de conscience, des black-out que les médecins n'expliquent pas. Son meilleur pote, c'est Saver Bledsoe, déconneur de première au point de mettre son sexe dans un trou du plafond pendant le cours d'un prof détesté. Oui, ces deux-là sont un peu les Robicheaux-Purcell du Houston au début des années 50. Parce que, pardon, Les jaloux, et c'est capital, se déroulent en 52 entre Houston et la péninsule ludique et mafieuse de Galveston. En terme d'ambiance, on ne la fait pas à James Lee Burke : drive-in, glacières (ces bars un brin clandestins pour vider un verre), milk-shake à la cerise mais aussi musique (le Rocket 88 de Jackie Brenston avec Ike Turner, BB King, Big Mama Thornton et le Cook's Hoedown, club qui a accueilli Elvis) et puis des voitures, dont la fameuse Oldsmobile Rocket 88 rouge avec les jantes à rayons, des Studebaker, des Ford 46, des Hudson 49 (vert citron !)... pour cela, déjà, Les jaloux est un émerveillement, d'un réalisme incroyable.
Et donc ce brave Aaron Broussard va s'interposer dans la dispute entre Grady Harrelson, fils de bourgeois aux épaules larges et Valérie Epstein, la plus belle fille de Houston, vivant avec son père, ancien commando. Dès cet instant, tout va s'envenimer. Saber va jeter une brique lors d'une course de voiture sur la décapotable d'Harrelson. La brique va toucher Vick Atlas, gamin d'un mafieux en cheville avec la pègre italienne. Saber escamote ensuite la décapotable rose d'Harrelson. Le prof de mécanique va être soupçonné de pédophilie. Un flic va se mettre au milieu sentant que la situation est en train de se tendre. Puis le père Harrelson va casser sa pipe. Et Grady de se faire encore subtiliser sa voiture... contenant bien plus que des cartes routières.
Loin des contemplations, que l'on aime ce  n'est pas la question, de Dave Robicheaux, cet opus de James Lee Burke prend juste le temps de de s'interroger sur, bien évidemment, le mal qui ronge ce monde, et avance pied au plancher, poussé par les 135 chevaux de la Rocket 88. Intrigue folle, lien d'amitié en péril, amour pur et contrarié, Les jaloux offre le meilleur de James Lee Burke, avec cette lutte non pas entre les gentils et les méchants mais des personnages plus ou moins gris. Le roman offre également toute une galerie de relations père-fils ou père-fille assez remarquables, entre l'alcoolique violent, l'alcoolique philosophe, le sage-soldat, la brute...
Enfin puis il y a toujours cette plume, capable de vous asséner une réflexion, un sentiment fort entre deux crochets à la face. L'auteur ne se lasse pas des beautés et des laideurs du monde, il a encore cette énergie pour raconter.
Un léger bémol sur la traduction qui parle de "la nationale 66" au lieu, semble-t-il, de, simplement, la Route 66. En revanche, la couverture est d'une rare élégance.

Les jaloux (The jealous kind, trad. Christophe Mercier), ed. Rivages, 427 pages, 24 euros
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article